Julien Baer de Comunus SICAV: «Pour certains fonds, cette fusion est une opportunité»

Il est probable qu’UBS décide de vendre une partie du parc immobilier de Credit Suisse, et en particulier les immeubles les moins intéressants, estime Julien Baer, CFO de Comunus SICAV. Dans le cas où beaucoup d’actifs seraient mis sur le marché en même temps, cela risque de faire baisser les prix de tout ce pan de l’immobilier et offrira des opportunités pour les investisseurs spécialisés dans la valorisation de ce genre d’actifs.

Julien Baer est CFO de Comunus SICAV, un fonds immobilier non côté qui gère un parc immobilier d’un peu plus de 500 millions de francs, spécialisé dans la valorisation des immeubles. Pour lui, et pour son fonds, la fusion entre Credit Suisse et UBS pourrait être une source d’opportunité. Un discours qui fait figure d’exception, parmi tous les spécialistes que nous avons interrogés pour cette série d’articles.

Julien Baer, quel va être l’impact de la fusion entre Credit Suisse et UBS sur vos activités ?

Nous sommes un acteur très spécifique du monde de l’immobilier titrisé, car d’une part nous ne sommes pas cotés, d’autre part nous ne nous adressons pas au grand public. En outre, nous avons une stratégie d’investissement assez particulière, qui mise beaucoup sur la valorisation des immeubles. En ce sens, UBS n’est pas notre concurrent direct, et nous serons probablement moins impactés par la fusion que certains de nos concurrents.

Ce serait donc différent si vous étiez un fonds côté en bourse, qui s’adresse au grand public?

Effectivement, nous entrerions alors en concurrence directe avec ce que va proposer la nouvelle UBS. Ceci dit, il faut avouer que, aujourd’hui, y compris au sein de Credit Suisse, personne ne semble savoir vraiment ce qui va se passer, en tout cas pas pour les fonds immobiliers titrisés. De toute manière, démêler la situation qui vient de se nouer va prendre plusieurs années. Ce qui fait que, pour l’instant, nous restons sereins, tant que nous n’avons pas plus d’informations sur l’avenir.

Vous êtes un des rares à dire que cette fusion pourrait avoir des aspects positifs.

Effectivement, mais notre situation est assez particulière. D’abord, plusieurs gros investisseurs institutionnels et autres caisses de pension vont probablement avoir des problèmes d’allocation après la fusion. En effet, ils ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et, suite à la fusion, ils auront probablement une allocation trop importante chez un seul émetteur. Ce qui est non seulement problématique au niveau de la diversification des risques, mais pourrait même être en contradiction avec leur règlement de placement. Ces investisseurs vont donc devoir ré-allouer une partie de leur fortune dans d’autres fonds placements, hors de la nouvelle UBS. Ce qui pourrait être une première opportunité pour des petits fonds indépendants comme le nôtre.

Première ? Il y en aurait donc d’autres ?

En effet. Deuxième source d’opportunité, la manière dont les fonds immobiliers de Credit Suisse vont être intégrés chez UBS. Le marché discute de plusieurs scénarios. La solution la plus évidente serait une fusion, mais ce ne serait pas forcément la plus simple, étant donné que si les fonds sont parfois similaires en apparence, ils ne le sont plus quand on examine leur stratégie d’investissement, leur méthode de gouvernance, ou leur fiscalité. Ils ne seront donc pas simples à fusionner. Une autre solution serait, pour UBS, de ne garder que ce qui les intéresse vraiment, et de vendre le reste. Soit des fonds entiers, soit des fractions de leur parc immobilier. Et, dans ce cas, cela pourrait représenter des opportunités pour nous, puisque racheter des immeubles en mauvais état pour les valoriser fait partie de notre stratégie d’investissement.

Mais cela va faire baisser les prix !

En effet, le risque avec cette stratégie c’est qu’il y ait tout d’un coup beaucoup d’immeubles qui arrivent en même temps sur le marché, ce qui ferait baisser les prix. Ce qui ne serait pas sain pour le marché dans son ensemble, mais qui, une nouvelle fois, serait intéressant pour nous. Car qui dit prix d’acquisition moins élevé, dit aussi rendement final plus important.

Est-ce que cette fusion aura quand même des impacts négatifs ?

Le financement des acquisitions pourrait devenir un peu plus difficile. Nous le verrons d’ailleurs rapidement. On arrivait toujours à jouer entre les deux grandes banques, pour obtenir des meilleurs taux, ce qui ne sera plus le cas aujourd’hui avec une seule entité.

Faut-il laisser faire le marché ou les autorités financières devraient-elles intervenir pour contrôler la nouvelle situation ?

Je suis bien entendu en faveur d’un libre marché mais il faudrait quand même un contrôle officiel sur ce qui va se passer, qui pourrait être prise en charge par la Finma, l’organe de régulation de la place financière. Mais une Finma renforcée, qui pourrait réellement contrôler le marché et lui imposer ses décisions, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Un tel contrôle est nécessaire, car il est incontestable, que, au moins dans le domaine de l’immobilier titrisé, la nouvelle UBS aura une position dominante, avec des fonds de très bonne qualité, plus grands, plus liquides, ce qui les rendra incontournables pour les investisseurs, en particulier les privés.

 

Olivier Toublan, Immoday